Soyons honnêtes, la danse contemporaine n’a parfois pas bonne presse auprès des personnes qui ne l’ont jamais pratiquée. Il est souvent difficile pour quelqu’un qui n’a jamais été à un spectacle ou qui n’a jamais dansé, de comprendre l’intérêt d’une telle pratique. Du côté des spécialistes de la question, l’a priori est inverse. Il y a des publics auxquels on ne pense pas forcément à proposer cette forme d’art.
Par Géraldine Piguet
Mais, heureusement, il existe des organismes qui refusent ce statu quo et qui cherchent à faire changer les choses. Le festival Quartiers Danses est de ceux-là. Depuis 4 ans, en plus de sa programmation, le FQD s’est donné comme mission de démystifier la danse contemporaine pour la rendre accessible aux publics éloignés de celle-ci.
Ainsi, toute l’année, des médiateur·e·s donnent une série d’ateliers dans plusieurs organisations afin d’initier les personnes à la danse contemporaine, ou de les aider à développer leur pratique. Les publics sont variés : ainé·e·s, personnes souffrant de troubles cognitifs, personnes en réinsertion sociale, personnes vivants avec une déficience intellectuelle, jeunes de tous horizons, etc.
Sur papier, la proposition est louable mais concrètement, cela fonctionne-t-il vraiment?
Et surtout, à quoi ressemble un atelier de médiation culturelle de danse contemporaine ?
Petit aperçu.
Mercredi 10 mai dernier, Alexandra Ladde, responsable de la médiation culturelle de Quartiers Danses, et moi-même nous rejoignons aux habitations Rêvanous. Ces résidences accueillent des personnes vivant avec une déficience intellectuelle ainsi que des aîné·e·s, dans des appartements autonomes. Leur volonté: utiliser le logement comme facteur d’intégration sociale.
La première chose qui frappe en entrant, c’est la diversité des participant·e·s. Des femmes, des hommes, des jeunes et des moins jeunes. Bien des structures se damneraient pour atteindre une telle mixité. L’intervenante de la résidence, Christine, me confirmera l’information plus tard: c’est bien l’atelier qui, au sein de la résidence, génère le plus de mixité sociale. Les participant·e·s, qui ont souvent tendance à ne pas se mélanger, participent ici main dans la main aux ateliers. Une des participantes vient même chaque semaine avec son déambulateur.
Ce qui saute aux yeux également c’est la douceur du médiateur, Keven. Calmement l’atelier commence par des échauffements assis. K. prête une grande attention à chacune des personnes qui l‘entourent. Il encourage l’une, accompagne le mouvement de l’autre. Une profonde confiance émane de l’assemblée. Il faut dire qu’ils se connaissent bien. C’est la deuxième année que les ateliers ont lieu dans l’organisme. Et suite à la requête des résident.e.s, les deux médiateur·e·s Keven et Anne-Flore ont rempilé pour une approfondir le projet avec le groupe.
L’atelier continue avec autant de bienveillance qu’il n’a commencé. Il n’y a pas d’exigence. Le médiateur encourage chacun·e à donner libre court à son mouvement. La suite s’oriente sur le travail de déséquilibre. Les rires fusent. C’est avec un visible plaisir que V. se laisse tomber en avant pour tenter l’exercice proposé par le médiateur. Les résident·e·s apprennent à occuper l’espace autour d’eux et à se concentrer sur leur corps.
- « Faut prendre conscience des mouvements que l’on fait » , les incite le médiateur
- « Oui, mais c’est dur, on ne les voit pas », rétorque une des participantes.
- « Eh non, il faut les sentir, c’est ça le but. »
Une heure plus tard, tout le monde est de nouveau assis pour les étirements finaux. Keven leur montre comment alterner des mouvements saccadés et fluides. « Montre-moi, comment on peut mettre de l’eau dans les coudes ? », demande-t-il. Sans hésiter, les participant·e·s embarquent.
Il y a certes des mouvements plus maladroits que d’autres, mais ces ateliers n’ont pas pour vocation de mettre au point une chorégraphie finale ou un spectacle quelconque. Avoir un résultat concret n’est pas le but.
Ce qui compte ce sont les évolutions qui se produisent chez les participant·e·s « B. Bougeait comme un robot, maintenant ses mouvements sont plus amples », reconnaît Christine. Plusieurs résidentes et résidents lui ont confié à quel point ces ateliers leur faisaient du bien au moral. S’approprier son corps, apprendre à bouger et se laisser aller à exprimer ses émotions, voilà ce qui est recherché ici, en toute simplicité.
Si vous voulez en savoir plus sur l’aventure de celles et ceux de Rêvanous qui explorent la danse via les ateliers de médiation, un documentaire est en cours de réalisation. Il sera présenté dans le cadre d’une table ronde sur la médiation culturelle ainsi que lors des soirées de courts métrages sur la danse lors de la 15e Édition du festival.